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Accompagner le bégaiement des élèves

Publication : 22 octobre 2017

Écrit par : Bertrand Muguet, délégué départemental de l’Association Parole Bégaiement (APB) et personne bègue
et Alexandre Magot

Le bégaiement est « un trouble du flux ou rythme de la parole, caractérisé par des répétitions de mots, de syllabes et de sons (phonèmes), par des prolongations de sons, des arrêts et des blocages qui donnent l’impression d’un effort. » (Source : APB). Il concerne 1% de la population mondiale, l’équivalent d’un·e élève toutes les trois classes. Or, statistiquement, nous entendons très peu de personnes bégayer. Pourquoi ? Le bégaiement est en fait bien plus complexe et diversifié que ne le laissent penser les idées reçues sur le sujet, et surtout les représentations véhiculées par la plupart des films. La répétition de syllabes n’en est qu’une infime partie. Le bégaiement ne s’entend pas toujours, lorsqu’il est évité ou masqué par la personne concernée. Celle-ci peut transformer ce qu’elle veut dire en ce qu’elle peut dire, ou éviter des situations générant du bégaiement. Le trouble peut alors être invisible, mais il correspond à un handicap bien réel. C’est d’ailleurs toute la théorie de l’iceberg du bégaiement : la partie invisible est plus importante et handicapante.

D’après les dernières études scientifiques, appuyées par l’imagerie cérébrale, le bégaiement serait plurifactoriel et lié à une prédisposition génétique entraînant des différences neurologiques. À cela se surajoutent des facteurs déclenchants variables (environnementaux et psychologiques). Les anciennes théories psychologiques – comme le manque d’amour parental –, n’ont jamais été prouvées et doivent être abandonnées, comme pour l’autisme. Néanmoins, le bégaiement a des conséquences psychologiques, qui deviennent alors un facteur aggravant du bégaiement. Par peur de bégayer, on bégaie encore plus et on met en place des automatismes qui pérennisent le bégaiement.

Le rôle de l’entourage comme de l’enseignant est donc primordial. Il peut permettre de créer un climat de confiance où l’enfant pourra bégayer sans honte et sans crainte. Cette confiance lui permettra de pouvoir s’exprimer par une parole qui lui ressemble, en utilisant les mots et expressions qu’il ou elle veut dire. Cela permettra également de ne pas faire entrer l’enfant dans une boucle auto-amplificatrice de bégaiement. Cela permettra enfin de montrer à tout le monde (autres élèves, autres adultes), par l’exemple, le cadre de respect qui doit entourer l’enfant.

De même, la sensibilisation de l’entourage par l’enseignant·e sur un bégaiement naissant peut être déterminante. Le bégaiement est très fluctuant et dépendant du contexte. Selon la situation et l'interlocuteur/trice, la force du bégaiement est très différente. Un·e enfant peut ainsi présenter par exemple un bégaiement en classe, qui serait peu ou pas visible à la maison. Les enseignant·es, passant beaucoup de temps avec les enfants, sont donc en première ligne pour détecter un éventuel problème d’élocution, et orienter l’enfant vers des associations spécialisées (comme l’APB, qui fait déjà des sensibilisations au sein du ministère de l'Éducation nationale). La prise en charge du bégaiement nécessite une thérapie globale effectuée par un·e orthophoniste spécialisé·e dans le bégaiement. De nombreuses thérapies ont été développées ces dix dernières années, et si elles sont démarrées rapidement, elles permettent d’éviter que le bégaiement ne s’installe chez l’enfant (ce qui peut prendre entre 6 mois et un an). Dans le cas contraire, des habitudes se mettent en place et le bégaiement sera plus difficile à maîtriser. Un bégaiement pris en charge au plus vite chez l’enfant a de nombreuses chances d’être corrigé, c’est l’un des principaux enjeux actuellement. Les professeur·es ont un rôle majeur à jouer de ce point de vue.

Il est par ailleurs fondamental d’être bien conscient·e du fait que si le bégaiement semble simple, et que beaucoup de gens pensent que le corriger l'est aussi, ce n’est en réalité pas à la portée de tout le monde, ni de tou·te·s les orthophonistes. Ce n’est donc, a fortiori, pas du ressort des enseignant·es. Contrairement à ce qu’on peut penser, il est inutile voire contre-productif de conseiller à la personne bègue d’articuler ou de respirer (elle y avait déjà pensé avant vous…). C'est comme si quelqu'un perdait l'automatisme de la marche, et que les gens lui conseillaient de mettre un pied devant l'autre. Dès que les automatismes sont perdus, on se rend compte de la complexité de la marche ou de la parole quotidienne.

Les enseignant·es ont un rôle et une responsabilité dans le développement du bégaiement chez l'enfant. Certaines personnes disent que le bégaiement n'est pas un trouble de la parole mais de la communication. D'où l'importance de mettre en place un cadre bienveillant, qui aura un impact psychologique positif.


Pour suivre ces conseils, il est fondamental de prendre le temps de se renseigner auprès de sources sûres, car beaucoup d’idées préconçues vont à l'inverse de ce qui est préconisé (comme l’idée qu'il ne faut surtout pas en parler, ne surtout pas intervenir face à un mot difficile à sortir, qu’il faut donner des conseils comme « respire », « prends ton temps », qui non seulement sont inutiles, mais renvoient en plus la personne qui bégaie à l’idée qu’elle n’agirait pas correctement, etc.).

Voici donc quelques liens vers des documents dans lesquels vous trouverez les informations essentielles pour adopter un rôle bénéfique auprès des élèves qui bégaient, et qu’on peut résumer par « être un interlocuteur ou une interlocutrice active et bienveillante ».

Ressources spécifiques destinées aux enseignant·es

– Association Parole Bégaiement, Le bégaiement chez l'adolescente·e, À l'attention des professeur·e·s de collège et lycée

– Association des bègues du Canada, À l'école, comment aider les élèves qui bégaient (guide à l'intention du personnel enseignant), mars 2015

– Mackenzie Cochran, To the teacher who gave me confidence to stutter, 19 février 2017. Extrait traduit en français par Laurent Lagarde sur son site Goodbye bégaiement : Au professeur qui m'a donné la confiance de bégayer.

L'Iceberg, court métrage (8'55), Pablo R. Koulaïmah, France, 2017. Très beau court métrage écrit et réalisé par une personne qui bégaye. Ce film est parfait pour, par exemple, présenter le bégaiement à des élèves et initier une discussion. 

Ressources supplémentaires

– Association Parole Bégaiement (APB), Pour les enseignants et professeurs. Le bégaiement en milieu scolaire

Du bégaiement dans ma classe, site destiné aux enseignant·es, réalisé par des orthophonistes 

La scolarisation de l'élève qui bégaie ou qui bredouille, fiche du réseau Canopé 

– Association Vaincre le bégaiement, Fiche de recommandations aux enseignant·es

– Cap intégration, Répercussions sur la vie scolaire et conseils pédagogiques

Ressources générales

– Le site de l'APB, riche de nombreuses publications. Notamment les brochures d'informations réunie sur cette page

Goodbye Bégaiement, site d'information relative au bégaiement tenu par Laurent Lagarde, une personne qui bégaie

Le site de l'Association des bègues du Canada (ABC)