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Janusz Korczak et les droits des enfants

Publication : 02/04/2019

Écrit par : Catherine Chabrun
militante pédagogique et des droits des enfants

Janusz Korczak est né le 7 juillet 1878 à Varsovie dans une famille juive.

Toute la vie et la pensée de Korczak seront vouées aux enfants, à leur protection, à leur dignité, à leurs droits.

En 1901, il publie son premier livre Les enfants de la rue et en 1905 obtient son diplôme de médecine. Il est alors mobilisé comme médecin militaire dans l’Armée russe. À son retour, il exerce dans un hôpital pour enfants pauvres de Varsovie.

Korczak œuvre à la réforme du statut des enfants fondé sur leur respect en tant que personnes. Pour lui, « l’enfant ne devient pas [un être humain], il en est déjà un ». Il se basera sur les expériences vécues dans les deux orphelinats qu’il a créés : La Maison des orphelins en 1912 et Notre maison en 1919, où il met en pratique la démocratie participative et l’expression libre.

Son activité pédagogique

Comme Johann Pestalozzi, Maria Montessori, John Dewey, Alexander Neill, Ovide Decroly, Célestin et Élise Freinet, Anton Makarenko… son œuvre pédagogique est partie prenante de l’Éducation nouvelle. Dans ses orphelinats, les enfants ne sont plus des objets d’enseignement, mais des sujets acteurs, actrices et auteur·es de leurs apprentissages et de leurs comportements.

Korczak est l’éducateur qui met en œuvre une pédagogie fondée sur des pratiques d’expression (le texte libre, la lettre, le journal), de parole (dialogues, échanges entre pairs, entre enfants et adultes), de participation démocratique et d’autogestion (boîte aux lettres, conseil, parlement des enfants, tribunal) où les enfants ont une place entière en tant que personnes aux côtés et avec des adultes. Il forme les éducateurs et éducatrices qui l’accompagnent à cette pédagogie.

Les conflits comme les délits sont gérés par les enfants, toutes les plaintes sont entendues. Des réparations, des dispositifs leur permettent de mettre à distance, de se projeter, de se comprendre soi et de comprendre l’autre, de progresser.

Deux principaux dispositifs :

– Le tribunal : il se réunit toutes les semaines, cinq juges enfants y sont tiré·es au sort parmi les enfants n’ayant pas été cité·es dans des plaintes à la réunion précédente. Seul·e un·e adulte, éducateur ou éducatrice, est présent·e et tient le rôle de secrétaire.

– La boîte aux lettres : les enfants placent un mot sur ce qui va, ne va pas, un poème, une question, un projet…

Les deux orphelinats qu’il nomme les « Républiques des enfants » ont ainsi leur parlement, leur tribunal et leurs journaux d’enfants.

À l'époque aucune mixité, ni confessionnelle ni de genre, n'était d'usage. S'il a pu instituer une mixité de genre, jamais Janusz Korczak n'a pu obtenir le droit de fonder un établissement réunissant enfants de religion juive et de religion catholique. Aussi a-t-il été contraint de mettre en place deux orphelinats distincts.

Son activité militante

Parallèlement à son investissement pédagogique au sein de ses orphelinats, Korczak mène un combat pour que soit plus généralement reconnus les droits des enfants.

En 1914, il demande la création d’une association internationale pour la protection de l’enfance.

En 1919, la Société des Nations (SDN) est créée. Elle met en place un Comité de protection de l’enfance. C’est le début de la reconnaissance des Droits de l’enfant au niveau international. Korczak suit les travaux du Comité et publie Comment aimer un enfant.

En 1922 il publie un roman pour les enfants Le roi Mathias 1er, un roman au cœur duquel se trouvent les droits des enfants.

En 1924, la SDN adopte la Déclaration de Genève. Le texte reconnaît l’existence de droits spécifiques aux enfants avec la responsabilité des adultes.

Un journal d’enfants, La petite revue, dont le comité de rédaction ne compte qu’un·e adulte, voit le jour en 1926. Il paraîtra jusqu’en 1939 avec une diffusion jusqu’à 150 000 exemplaires.

Son ouvrage Le droit de l’enfant au respect, suivi des Règles de vie est publié en 1928. Il anime une émission à la radio Causeries du vieux docteur jusqu’en 1936. L’antisémitisme l’obligera à arrêter.

Son activité de résistance

En 1939, la Pologne est occupée. La Maison des orphelins est transférée dans le ghetto de Varsovie, il y rédige le Journal du ghetto. Pour nourrir les enfants, il est souvent obligé de mendier.

En 1942, les 200 enfants de son orphelinat du ghetto de Varsovie vont être déporté·es dans le camp de Treblinka. Janusz Korczak refuse la possibilité qui lui est offerte de rester à Varsovie et choisit de partir avec les enfants qu’il ne voulait pas abandonner. Ni lui, ni les enfants ne reviendront de ce camp d’extermination.

La voie est ouverte pour les droits des enfants !

Les graines semées par Korczak tout au long de sa vie continuent à germer.

Le 20 novembre 1959, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration des droits de l'enfant. Et même si le texte n’est pas contraignant, et que de nombreux États s’y opposent, il ouvre le chemin. Il définit en dix principes les droits des enfants qui deviennent de véritables sujets de droit.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

En 1979 la Pologne, en se référant à Korczak, propose à l’ONU de rédiger une Convention relative aux droits de l’enfant. Contrairement à la Déclaration des droits de l’enfant de 1959, elle doit être contraignante pour les États. Mais cette Convention ne sera adoptée que 10 ans plus tard.

Afin de favoriser la prise de conscience des États et leur action en faveur de la protection et de la garantie des droits de l’enfant, l’ONU déclare 1979 « Année internationale des droits de l’enfant ».

Le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant est adoptée.

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU veille au respect de la Convention par les États, il examine les rapports que les États ont l’obligation de lui remettre tous les cinq ans. Pour la France, le dernier examen était en 2016, le prochain sera pour 2021. Les organisations non gouvernementales (ONG) sont sollicitées pour rendre des rapports alternatifs avec des constats et des préconisations.

Les droits des enfants et l’éducation aujourd’hui en France

En 2019, la Convention internationale des droits de l’enfant est ratifiée par 196 États sur 197, seuls les États-Unis ne l’ont pas ratifiée. « Peux mieux faire » pour certains, « insuffisant » pour d’autres…

Trente ans après l’adoption de la Convention, des droits sont encore bafoués par ces États et dans de nombreux domaines, même dans les États dit riches. Sans oublier leur engagement à faire connaître la Convention aux enfants et aux adultes.

En France, tou·tes les enfants n’ont pas accès aux droits fondamentaux. L’inégalité de revenus en est la principale cause. Certains revenus sont si bas qu’ils ne permettent pas de vivre décemment : logement, alimentation, vêtements sont hors de portée. De nombreuses familles vivent ainsi dans la pauvreté et dépendent d’aides sociales soumises aux décisions politiques. L’accès au travail est difficile, pour beaucoup c’est le chômage. Les enfants, dans les cas où elles et ils ont accès à l’école, n’y entrent pas dans de bonnes conditions (sommeil, nourriture, sérénité…). Les loisirs, les sorties culturelles, les vacances leur sont inaccessibles et cette absence renforce encore les inégalités et difficultés scolaires.

Les inégalités ne se limitent pas à la pauvreté. Beaucoup d’autres facteurs entrent en compte (sociaux, ethniques, religieux, politiques) et en se conjuguant ils excluent des familles de leurs droits.
Par exemple en France, malgré sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité », l’accès aux droits fondamentaux n’est pas garanti pour tou·tes les enfants. Certain·es sont discriminé·es, comme les enfants rroms et du voyage qui, expulsé·es régulièrement de leur terrain, n’ont pas accès à l’eau, à des conditions de vie décentes, à l’école… D’autres, comme certain·es enfants migrant·es, qu’elles ou ils soient avec leur famille ou mineur·es isolé·es, vivent dans la rue (parfois iels sont hébergé·es dans une chambre d’hôtel une nuit ou deux ou dans un centre quelques jours).

L’État étant encore loin du compte, les associations, organisations engagées dans la défense, la promotion, les actions en faveur des droits des enfants… ont hélas encore du pain sur la planche !

 

Pour en savoir plus 

– Bernard Lathuillère, « Janusz Korczak, penseur des droits de l’enfant. Présentation de Janusz Korczak (1878-1942) et des dispositifs éducatifs innovants institués dans ses deux orphelinats pilotes, sur la période 1912-1942 », Association française Janusz-Korczak, 2004 (16 p.).

– Stanislas Tomkiewicz, « Janusz Korczak : un grand pionnier de l'éducation », Association suisse des Amis du Dr Janusz Korczak, 1981 (17 p.).

Association française Janusz-Korczak.

– Association française Janusz-Korczak Tadeusz Lewowicki, « Grands pédagoques : Janusz Korczak », Perspectives, revue trimestrielle d'éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d'éducation), vol. Il, sur le site de l’Institut coopératif de l’École moderne.

Korczak, film d’Andrzej Wajda, scénario d’Agnieszka Holland, 1990.

– Philippe Meirieu et Pef (ill.), Korczak, pour que vivent les enfants, éd. Rue du Monde, 2012 (à partir de 10 ans).