Dimanche : le choix des conditions de lutte
Dimanche : le choix des conditions de lutte
Écrit par : SVT Égalité
Publication initiale : 22/04/2022
Deux jours après la publication de l’appel collectif publié le 20 avril, et pour n'avoir aucun regret, nous éprouvons le besoin de partager notre positionnement :
dimanche, nous déposerons un bulletin Macron dans l'urne.
Le choix stratégique, très contraint et sans illusion, des conditions des luttes à venir.
Ce deuxième tour de l’élection présidentielle est insupportable. Quoi que l’on pense des élections et quel que soit le niveau d’abstention, dimanche nous aurons un·e président·e qui s’appellera Marine Le Pen ou Emmanuel Macron.
Nous nous sentons, comme beaucoup d’entre vous sans doute, démuni·es face à ce rouleau compresseur que sont le néolibéralisme et la fascisation des esprits. Face à ce qu’il représente : un régime de prédation, d’accaparement et d’exploitation de la Terre et des corps, le patriarcat capitaliste impérialiste suprémaciste blanc – pour reprendre l’expression de la pédagogue états-unienne bell hooks –, à l’échelle de la planète.
Personne ne peut se sentir fondamentalement en sécurité dans un monde aussi violent.
Dans le contexte de cette élection française, aucun·e des deux candidat·es au second tour n’est en rupture avec ce modèle.
Il y a, malgré tout, une différence de taille et de nature entre la droite néolibérale autoritaire et l’extrême droite au projet fasciste. Cette dernière est en réelle capacité d’accéder au pouvoir.
C’est pourquoi dimanche, nous mettrons un bulletin Macron dans l’urne.
Nous le ferons par pragmatisme, pour parer au plus urgent : la menace radicale immédiate que constituerait une victoire du Rassemblement national, notamment pour la vie des personnes racisées, (présumées) musulmanes, réfugiées, rroms, juives.
Une menace radicale pour les droits des personnes étrangères résidant en France, des personnes LGBTI+, des femmes, des plus précaires.
Une menace radicale pour les droits des travailleur·ses, puisque le RN est profondément antisyndicaliste.
Une menace radicale pour les libertés publiques qui nous permettent de défendre les droits humains.
Nous faisons le choix, très contraint et sans illusion, des conditions des luttes à venir : celui d’un rythme plus lent de fascisation, pour reprendre les termes d’Ugo Palheta, spécialiste de l’extrême-droite.
Pour qu’avec cette marge de manœuvre, nous puissions également peser collectivement durant les prochaines années pour préserver la biodiversité, et pour mettre en place les mesures prônées par le GIEC vis-à-vis d’un réchauffement climatique qui touche d’abord et déjà le Sud Global.
La politique néolibérale autoritaire de Macron n’a pas ce projet de prendre soin sans hiérarchie de toutes les vies. La plupart d’entre nous y voyons une évidence. Et une urgence.
Tragiquement, dans le contexte actuel, ce choix purement stratégique nous parait offrir une fenêtre de résistance que n’offre pas un projet d’extrême-droite.
Nous comprenons et partageons la colère, le désespoir, le dégoût vis-à-vis d’une situation contre laquelle nous avons essayé de peser. Nous comprenons la tentation de l’abstention, du vote blanc, du vote nul. Gardons-nous bien de nous déchirer entre nous.
« Pas une voix pour Le Pen », c’est l’essentiel. Mais il y en aura.
Notre espoir, aujourd’hui, c’est que le nombre de bulletins Macron soit suffisant, et d’avoir ainsi une petite marge de manœuvre pour transformer partout où nous le pouvons la prédation en défense de la vie, l’individualisme en coopération, la domination en émancipation.
Défendre l’école publique contre toutes les attaques qui visent à la détruire
Défendre l'école publique contre toutes les attaques qui visent à la détruire
Tribune collective : Collectif Aggiornamento Histoire-Géo - Collectif Questions de classe(s) - N'Autre école - Collectif pour la défense du service public d'éducation 38 - ICEM Pédagogie Freinet - GFEN - Institut bell hooks/Paulo Freire - Collectif Pédagogie Solidaire - collectif Lettres vives - collectif SVT Égalité - collectif Enseignant·e·s Pour La Planète - Cahiers de pédagogie radicale - Fondation Copernic - L'APSES (association des professeurs de sciences économiques et sociales) -Cahiers d'histoire, revue d'histoire critique - FCPE 75 - GRDS (Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire) - ATTAC - AFEF (association française des enseignants de français) - OCCE (office central de la coopération à l'école) - Comité thématique Éducation de Génération.s - CRAP-cahiers pédagogiques - Revue Carnets rouges - Commission éducation du PRCF - CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire)
Publication initiale : 17/11/2021
Ce 12 novembre 2021, le Figaro Magazine a titré sa une ” École. Comment on endoctrine nos enfants”. Le sous-titre est encore plus racoleur : “Antiracisme, idéologie LGBT+, décolonialisme… Enquête sur une dérive bien organisée”. À l’heure où le ministère de l’Éducation nationale clame la nécessité de « revenir » aux valeurs de la république, cet article dénonce des enseignant ·e s qui les mettent en œuvre !
La charge se fait par l’intermédiaire de témoignages anonymes. La dénonciation en particulier d’une enseignante d’EMC à partir des déclarations d’une élève n’a rien à envier aux méthodes qui ont conduit à la décapitation de notre collègue Samuel Paty : le mensonge, la calomnie, la dénonciation publique d’ enseignant·es.
Le vocabulaire employé relève d’un complotisme qu’on s’étonne de trouver dans un magazine lancé d’un quotidien national. De quel côté se situe l’endoctrinement ? Faudrait-il donc sanctionner des enseignant·es qui luttent contre toutes les discriminations et les préjugés qui mènent à la violence ?
Hier, ils dénigraient l’Université publique en taxant les universitaires d’Islamo-gauchistes. Aujourd’hui, c’est au tour de l’École publique et de toute la profession enseignante, sans égards pour les attaques dont elle souffre depuis de nombreuses années.
Cet article est une caricature outrancière. Il est l’illustration et le résultat de l’abandon d’un service public d’éducation depuis trop d’années. Au lieu de parler des moyens, à l’heure où le ministère de l’Éducation nationale rend pour la troisième fois en deux ans des dizaines de millions d’euros à Bercy tandis que l’école publique implose, on préfère lancer des anathèmes et discréditer une institution dans son ensemble. Un cap dans la stratégie de délégitimation de l’école publique vient d’être franchi. Il ne s’agit plus seulement de détruire, il faut maintenant salir.
Trop c’est trop !
Depuis trop d’années, l’école est la cible d’attaques organisées si bien que le prof-bashing est devenu un sport national, désormais alimenté par le ministère. La réalité des salles de classes, des cours de récréation et des établissements scolaires, où le savoir se construit avec un recul critique, n’est lue nulle part, entendue nulle part. Au lieu de cela, ce sont les commentateurs et commentatrices les plus éloigné·es de la sphère scolaire qui font naître des peurs et de véritables paniques morales plaquées sur une école qui n’existe que dans leurs fantasmes. Nous ne sommes pas responsables des comptes qu’ils ont à régler avec l’institution scolaire.
Ici, un nouveau pas est franchi, puisque depuis la publication du dossier et le tollé qu’il a suscité, par son silence, Jean-Michel Blanquer lui apporte sa caution. Du titre aux articles, le torrent de boue déversé, les accusations infondées, auraient pourtant mérité réaction d’autant plus que certaines “valeurs de la République” y sont malmenées, tel l’antiracisme ou la lutte contre les LGBT+-phobies qui s’inscrivent bien, aux dernières nouvelles, dans le principe de fraternité. Pire, par la voix de Souâd Ayada, présidente du Conseil Supérieur des Programmes, on peut lire une caution de la rue de Grenelle à des propos pourtant faiblement étayés. Elle va jusqu’à souhaiter contrôler et épurer l’édition scolaire, pratique qui masque mal un désir inassouvi de censure de certains débats.
Ajoutons que ce dossier opère une opportune diversion et sert les intérêts d’un ministère désormais incapable d’assurer à tous les enfants de la République des conditions d’accueil scolaire conformes au code de l’éducation. Le manque d’enseignantes et d’enseignants est criant dans certaines académies, et prive des enfants toujours plus nombreux de leur droit essentiel à l’éducation. Quant à l’intégration des élèves en situation de handicap, elle est d’une insuffisance au-delà du scandale. Devant cette rupture majeure du principe d’égalité, largement dénoncée, le silence est pourtant de mise dans les Rectorats concernés comme rue de Grenelle.
Les collectifs signataires de cette tribune dénoncent, sans réserve, ces attaques infondées. L’école publique n’endoctrine personne. Au contraire, chaque jour, des centaines de milliers d’enseignant·es œuvrent pour que chaque élève, chaque enfant, chaque jeune puisse apprendre, progresser, grandir et former son jugement, loin du spectaculaire médiatique et des fake-news. Qu’ils et elles soient ici remercié·es et félicité·es, pour ce labeur quotidien, le plus souvent exercé dans l’ombre de ces coups médiatiques scandaleux et dangereux, faisant le lit de l’extrême-droitisation des discours sur l’école. Ça suffit !
La profession enseignante, à plusieurs reprises endeuillée et meurtrie ces derniers mois, a droit à un peu de reconnaissance et de tranquillité. Que ses ennemis récurrents le lui accordent, est-ce trop demander ?
Au court terme des échéances électorales et des discours caricaturaux répond le temps long de l’éducation. Nous en appelons dès lors à ce que l’école soit protégée de ces attaques. Nous adressons notre plus entière solidarité aux collègues et collectifs nommément visés dans le dossier du Figaro Magazine. Sans faire fi de notre diversité, nous exprimons avec force et clarté notre attachement au service public d’éducation nationale. Puissions-nous collectivement trouver le courage nécessaire à la continuation de notre métier car nos élèves, nos enfants, en ont besoin et se tiennent fort heureusement loin du monde ténébreux dessiné par le Figaro Magazine.
Signataires : Collectif Aggiornamento Histoire-Géo Collectif Questions de classe(s) – N’Autre école Collectif pour la défense du service public d’éducation 38 ICEM Pédagogie Freinet GFEN Institut bell hooks/Paulo Freire Collectif Pédagogie Solidaire collectif Lettres vives collectif SVT Égalité collectif Enseignant·e·s Pour La Planète Cahiers de pédagogie radicale Fondation Copernic L’APSES (association des professeurs de sciences économiques et sociales) Cahiers d’histoire, revue d’histoire critique GRDS (Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire) ATTAC AFEF (association française des enseignants de français) OCCE (office central de la coopération à l’école) Comité thématique Education de Génération.s CRAP-Cahiers pédagogiques Revue Carnets rouges Commission éducation du PRCF CVUH (comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire)
Divers
Pour un troisième tour social et pédagogique ! Appel collectif
Pour un troisième tour social et pédagogique ! Appel collectif
Texte des collectifs et mouvements : Aggiornamento histoire-géo, Enseignant·es pour la planète, Icem – Pédagogie Freinet, Iresmo, Questions de classe(s) – N’Autre école, Lettres vives, SVT Égalité.
Publication initiale : 20/04/2022
Une nouvelle fois, l’élection présidentielle nous offre le détestable spectacle d’un deuxième tour opposant la droite néolibérale autoritaire et l’extrême droite.
En matière d’éducation, le choix se résume entre l’école au pas ou l’école en marche et en marché. Il est clair que ni Macron ni Le Pen ne sont des solutions à la situation à laquelle nous, personnels de l’éducation, sommes confronté·es.
Pour autant, nous ne sommes pas de celles et ceux qui tracent un signe égal entre les deux candidat·es. Syndicalistes, pédagogues, militant·es antifascistes, écologistes, défenseur·euses des droits des femmes et des personnes LGBTQI+, des musulman·es, des étrangèr·es, des sans papièr·es et des réfugié·es, nous connaissons trop bien les conséquences immédiates et terribles qu’aurait l’accession de l’extrême droite au pouvoir, avec, à sa botte, la police, l’armée, la justice, la hiérarchie de l’Éducation nationale, etc.
Notre histoire nous enseigne combien, de Paul Robin à Célestin Freinet, en passant par Francisco Ferrer, les enseignant·es des centres sociaux d’Algérie jusqu’à nos six camarades réprimé·es de l’école Pasteur à Saint-Denis, l’école est toujours en première ligne pour subir les attaques et les violences de l’extrême droite.
À celles et ceux qui déclarent « on n’a jamais essayé », nous voulons rappeler ce qui se passe aujourd’hui dans le Brésil de Bolsonaro, la Hongrie d’Orban, la Turquie d’Erdogan, la Russie de Poutine, etc. Et puisque la campagne présidentielle a servi de marchepied aux nostalgiques de Vichy, rappelons aussi ce que fut la politique éducative du Maréchal Pétain. Avant même de prendre les mesures que l’on sait contre les communistes, les francs-maçon·nes, les gens du voyage, les homosexuel·les et les Juif·ves, c’est au redressement de l’école et à la purge des instituteur·trices que le régime de Vichy consacre ses premières résolutions. En moins de quatre mois, les principales contre-réformes scolaires sont promulguées : suspension des conseils et comités consultatifs (loi du 12 juillet), remplacement du recrutement par concours des inspecteurs par une nomination (loi du 2 août), rétablissement de l’enseignement congréganiste (loi du 3 septembre), suppression des écoles normales d’instituteurs, ces « séminaires malfaisants de la démocratie » (loi du 18 septembre), exclusion des Juif·ves des emplois universitaires dans le cadre du « statut des Juifs » (loi du 3 octobre), dissolution des syndicats et associations professionnelles de fonctionnaires (loi du 15 octobre) et, enfin, introduction de l’enseignement des devoirs envers Dieu dans les programmes des écoles primaires (loi du 23 octobre). Suivront l’introduction de l’enseignement religieux comme option et la parité de subvention entre le public et le privé (loi du 6 janvier 1941), puis la fin de la gratuité de l’enseignement secondaire (loi et décret du 15 août 1941).
Ces vingt dernières années, ce sont les droits des personnes musulmanes (dont des élèves, étudiant·es et parents d’élèves) qui sont ciblés par l’État français au nom de la lutte contre le terrorisme, d’une conception de la laïcité qui organise la stigmatisation, et en invoquant la loi sur le séparatisme. Les enseignant·es sont sommé·es de se rallier à un État qui nie le racisme, quand les ministres Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal considèrent que l’antiracisme et l’approche décoloniale n’ont pas leur place à l’Éducation nationale et dans la recherche. Un boulevard est ouvert au parti fasciste, raciste et antisémite de Marine Le Pen, qui désigne également les ennemi·es de l’intérieur.
Comme l’ensemble des travailleurs et travailleuses de l’éducation, nous ne nous faisons aucune illusion sur les mois et les années à venir. En marche, la destruction du service public d’éducation. En marche, la précarisation des personnels. En marche, la répression des syndicalistes, des pédagogues et de toute pédagogie critique. En marche, l’école du tri social, l’école des inégalités, de l’orientation dès la 5e, de la recherche muselée, du contrôle idéologique de l’Université, du Service national universel. En marche, la rigueur budgétaire, les suppressions de postes, les effectifs pléthoriques. En marche, le greenwashing de l’institution. En marche, la logique du travailler plus tout en gagnant moins…
Après cinq années de blanquérisme, le quotidien des personnels de l’éducation est fait de précarisation, de souffrance, de répression, d’épuisement, d’injonctions contradictoires, de petites et grandes humiliations, de désillusions, de questionnements qui taraudent sur le sens du métier, d’écrasement bureaucratique et hiérarchique.
Pour faire passer leur programme – celui d’une école de l’égalité sociale, d’une école du commun, démocratique et émancipatrice – les travailleurs et les travailleuses de l’éducation, comme l’ensemble de la population, ne peuvent compter que sur elles-mêmes et eux-mêmes.
À notre modeste échelle, dans nos collectifs, nos mouvements pédagogiques, nos syndicats, mais aussi dans nos établissements, nous essayons de construire ce collectif qui est le meilleur des antidotes aux sirènes réactionnaires.
Les combats qui nous attendent au lendemain du 24 avril, nous devrons les mener en portant la solidarité entre les collègues, en accompagnant les personnels qui subissent les injustices de l’institution. Nous continuerons à les mener à travers nos rencontres pédagogiques, nos réunions d’information syndicale, nos stages, nos AG, pour se retrouver, parler, partager nos colères, nos révoltes, nos souffrances, nos joies professionnelles, nos espoirs et pour tenter de construire, sans relâche, cette école que nous voulons émancipatrice. Tout cela, nous le gagnerons par la lutte, pour ne pas nous résigner à l’impuissance.
Aggiornamento histoire-géo, Enseignant·es pour la planète, Icem – Pédagogie Freinet, Iresmo, Questions de classe(s) – N’Autre école, Lettres vives, SVT Égalité
Ressources sur la grossophobie
- Présentation du livre "« Gros » n'est pas un gros mot. Chroniques d'une discrimination ordinaire", de Daria Marx et Eva Perez-Bello
- La grossophobie en milieu scolaire, Bordeale, Gras Politique, 21 janvier 2022
- Brochure sur la grossophobie en milieu scolaire du collectif Gras Politique, janvier 2022